L’état des lieux sans équivoque : le climat actuel et l’influence humaine
Le dernier rapport du GIEC, fruit du travail de centaines de scientifiques bénévoles qui ont analysé plus de 14 000 études, met les points sur les « i ». Il est désormais incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres. Ce n’est plus une hypothèse, mais un fait établi. Les changements que nous observons sont généralisés, rapides et, pour certains, déjà irréversibles. Pour être tout à fait clair, le rapport affirme que 100% du réchauffement climatique observé est dû aux activités humaines. La comparaison entre le réchauffement réellement mesuré et les simulations qui incluent l’influence humaine est frappante : les courbes se superposent parfaitement, ne laissant aucune place au doute.
L’ampleur de ces bouleversements est sans précédent depuis des milliers d’années. Pense à ça : le niveau des mers n’a jamais grimpé aussi vite au cours des 3000 dernières années. La décennie qui vient de s’écouler a été en moyenne 1,1°C plus chaude que la période préindustrielle (1850-1900). Et depuis le tout premier rapport du GIEC en 1990, nous avons émis 1000 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires. C’est presque la moitié de tout ce que nous avons rejeté dans l’atmosphère depuis le début de la révolution industrielle. Ces chiffres donnent le vertige et montrent l’accélération phénoménale du problème.
Les conclusions clés sur l’état actuel du climat
Pour bien visualiser l’urgence de la situation, voici quelques points clés à retenir. Chacun de ces constats est appuyé par un niveau de confiance extrêmement élevé de la part de la communauté scientifique.
- 🌍 Responsabilité humaine totale : Il est désormais « sans équivoque » que les activités humaines sont la cause du réchauffement. Le débat est clos.
- 📈 Changements sans précédent : La concentration de CO2 dans l’atmosphère est la plus élevée depuis au moins 2 millions d’années.
- 🌡️ Rythme effréné : Le climat se réchauffe à une vitesse inédite depuis au moins 2000 ans.
- 🌊 Conséquences irréversibles : La fonte des glaciers et la hausse du niveau des mers sont des processus engagés pour des siècles, voire des millénaires, même si nous stoppions nos émissions demain.
Cette situation affecte déjà concrètement nos vies. Le rapport confirme avec une certitude renforcée que les événements météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, pluies torrentielles, sécheresses) sont devenus plus fréquents et plus intenses à cause de notre influence sur le climat.
| Indicateur climatique 🌡️ | Constat du rapport du GIEC | Période de comparaison |
|---|---|---|
| Température globale | +1,1°C | Par rapport à 1850-1900 |
| Niveau de la mer | Augmentation la plus rapide depuis 3000 ans | Depuis 1900 |
| Concentration de CO2 | Niveau le plus élevé depuis 2 millions d’années | Actuellement |
| Fonte des glaciers | Retrait quasi-généralisé et sans précédent | Depuis les années 1990 |
Les futurs climatiques possibles : décryptage des scénarios SSP

Alors, à quoi peut-on s’attendre pour l’avenir ? Le GIEC ne fait pas de prédictions, mais il utilise des modèles pour explorer différents futurs possibles en fonction de nos actions. Ces trajectoires, appelées « SSP » (Socio-Economic Pathways), sont au nombre de cinq. Elles vont du scénario le plus optimiste, avec des réductions d’émissions drastiques et immédiates (SSP1-1.9), au plus pessimiste, où nos émissions continuent d’augmenter fortement (SSP5-8.5). La mauvaise nouvelle, c’est que dans tous les scénarios, à l’exception du plus vertueux, le seuil de réchauffement de +1,5°C sera dépassé dans un avenir proche, c’est-à-dire entre 2021 et 2040.
Dépasser ce seuil, même temporairement, n’est pas anodin. Chaque dixième de degré compte. Un monde à +2°C subira des événements extrêmes bien plus intenses et fréquents qu’un monde à +1,5°C. Le rapport insiste sur les impacts combinés : imagine une canicule suivie d’une sécheresse, qui elle-même favorise des mégafeux. Ces cascades d’événements deviennent de plus en plus probables à mesure que la planète se réchauffe. C’est un risque majeur pour nos sociétés, nos économies et les écosystèmes.
Les points de bascule : un risque à ne pas ignorer
Le rapport aborde également un sujet qui fait froid dans le dos : les « points de bascule » (tipping points). Ce sont des seuils critiques au-delà desquels un système peut basculer de manière abrupte et souvent irréversible. Même si leur probabilité est jugée faible pour l’instant, leurs conséquences seraient si dévastatrices qu’on ne peut pas les ignorer. C’est une partie intégrante de l’évaluation des risques.
- 🧊 Fonte des calottes glaciaires : La désintégration des calottes du Groenland ou de l’Antarctique de l’Ouest pourrait entraîner une hausse de plusieurs mètres du niveau des mers.
- 🌊 Ralentissement de la circulation océanique : L’effondrement de la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC) bouleverserait les climats en Europe et en Amérique du Nord.
- 🌲 Dépérissement de la forêt amazonienne : La forêt pourrait se transformer en savane, libérant des quantités massives de carbone.
- ❄️ Dégel du permafrost : La libération du méthane et du CO2 contenus dans les sols gelés de l’Arctique pourrait créer une boucle de rétroaction positive, accélérant encore plus le réchauffement.
| Scénario SSP 🌍 | Description des émissions | Réchauffement estimé d’ici 2100 |
|---|---|---|
| SSP1-1.9 (Très bas) | Neutralité carbone vers 2050, puis émissions négatives | ~1,4°C |
| SSP1-2.6 (Bas) | Baisse forte mais plus lente des émissions | ~1,8°C |
| SSP2-4.5 (Intermédiaire) | Stagnation des émissions puis baisse lente | ~2,7°C |
| SSP3-7.0 (Haut) | Augmentation continue des émissions | ~3,6°C |
| SSP5-8.5 (Très haut) | Développement basé sur les énergies fossiles | ~4,4°C |
Le verdict sur les événements extrêmes : la science de l’attribution
Une des avancées majeures de ce rapport concerne la « science de l’attribution ». C’est la discipline qui permet de déterminer dans quelle mesure un événement météorologique extrême (comme une canicule ou une inondation) a été rendu plus probable ou plus intense par le changement climatique. Et les progrès sont spectaculaires ! Les scientifiques peuvent maintenant affirmer avec une grande confiance que le changement climatique d’origine humaine affecte déjà de nombreux extrêmes climatiques et météorologiques dans toutes les régions du monde. Ce n’est plus une question de « si » mais de « à quel point ».
Les preuves se sont considérablement renforcées depuis le précédent rapport (AR5). Pour la première fois, le GIEC affirme qu’il est probable que la proportion mondiale de cyclones tropicaux majeurs (catégories 3 à 5) ait augmenté au cours des quatre dernières décennies. Auparavant, les données étaient jugées trop incertaines pour un tel consensus. Désormais, nous pouvons mesurer l’aggravation des phénomènes extrêmes sur presque tous les continents. Il n’est plus nécessaire de parler de manière générale ; on peut quantifier l’influence humaine sur un événement précis, comme l’ont fait les scientifiques du World Weather Attribution pour la canicule exceptionnelle au Canada en 2021, jugée « quasiment impossible » sans le réchauffement climatique.
Ce que signifie chaque degré de plus pour les extrêmes
Le rapport utilise des infographies très parlantes pour illustrer comment la fréquence des événements extrêmes change avec chaque degré de réchauffement. Un événement qui se produisait une fois tous les 10 ans dans le climat préindustriel se produira beaucoup plus souvent dans un monde plus chaud.
- 🔥 Vagues de chaleur : Dans un monde à +1,5°C, un événement décennal se produira 4,1 fois plus souvent. À +2°C, ce sera 5,6 fois. Et à +4°C, ce sera 9,4 fois, soit presque tous les ans.
- 💧 Fortes précipitations : Un événement de pluie intense qui avait lieu une fois tous les 10 ans se produira 1,5 fois plus souvent à +1,5°C et 1,7 fois plus souvent à +2°C.
- 🏜️ Sécheresses : Une sécheresse décennale deviendra 2 fois plus fréquente à +1,5°C et 2,4 fois plus fréquente à +2°C.
| Type d’événement extrême 🌪️ | Confiance dans l’attribution à l’activité humaine | Régions les plus touchées (avec haute confiance) |
|---|---|---|
| Vagues de chaleur | Quasiment certain | Toutes les régions habitées du monde |
| Fortes précipitations | Très probable | Amérique du Nord, Europe, une grande partie de l’Asie |
| Sécheresses (agricoles/écologiques) | Probable | Région méditerranéenne, Afrique de l’Ouest, Afrique du Sud |
| Cyclones tropicaux majeurs | Probable (augmentation observée) | Bassin Atlantique, Pacifique Nord-Ouest |
Le budget carbone : combien de temps nous reste-t-il vraiment ?

Le concept de « budget carbone » est une manière simple de visualiser l’urgence d’agir. Il représente la quantité totale de CO2 que l’humanité peut encore émettre avant de dépasser un certain seuil de réchauffement, comme +1,5°C. La bonne nouvelle de ce rapport est que les estimations de ce budget sont beaucoup plus précises. La science nous confirme qu’il existe une relation quasi linéaire entre la quantité totale de CO2 que nous émettons et le niveau de réchauffement. Autrement dit, chaque tonne de CO2 compte et contribue directement à réchauffer la planète.
Alors, quel est ce budget ? Pour avoir une chance sur deux (50% de probabilité) de limiter le réchauffement à +1,5°C, il nous restait, début 2020, environ 500 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2) à émettre. Avec nos émissions actuelles d’environ 40 GtCO2 par an, ce budget serait épuisé en un peu plus d’une décennie. Pour avoir deux chances sur trois (67%), le budget tombe à 400 GtCO2. C’est extrêmement peu. Cela signifie que sans une baisse immédiate, rapide et à grande échelle de nos émissions, nous dépasserons inévitablement cet objectif. Le rapport est un appel clair à l’action : la fenêtre d’opportunité pour rester sous les +1,5°C se referme à une vitesse vertigineuse.
Comment ce budget est-il calculé ?
Les scientifiques ont affiné leurs calculs en réévaluant plusieurs paramètres clés, ce qui renforce la confiance dans ces chiffres. Les estimations actuelles sont très similaires à celles du rapport spécial sur les 1,5°C de 2018, mais elles représentent une mise à jour importante par rapport au rapport de 2013.
- 📊 Réchauffement passé mis à jour : Une meilleure estimation du réchauffement déjà survenu.
- 🌍 Réponse climatique au CO2 : Une meilleure compréhension de l’impact de chaque tonne de CO2.
- 💨 Impact des autres gaz : Une évaluation plus précise du réchauffement causé par les gaz autres que le CO2 (comme le méthane).
- 🌱 Réactions du système terrestre : Une meilleure prise en compte des rétroactions, comme le dégel du permafrost.
| Objectif de température 🎯 | Probabilité de réussite | Budget carbone restant (depuis début 2020) | Années restantes (au rythme actuel) |
|---|---|---|---|
| +1,5°C | 50% | 500 GtCO2 | ~12 ans |
| +1,5°C | 67% | 400 GtCO2 | ~10 ans |
| +2°C | 50% | 1350 GtCO2 | ~33 ans |
| +2°C | 67% | 1150 GtCO2 | ~28 ans |
Clarifications et points techniques clés pour aller plus loin
Un rapport aussi dense génère forcément beaucoup de discussions, et parfois, quelques approximations ou mauvaises interprétations. C’est normal, ces sujets sont complexes ! Démêlons ensemble quelques points techniques importants qui ont pu faire les gros titres, pour avoir une vision plus juste de la situation. Il est crucial de bien comprendre ces nuances pour ne pas tomber dans le sensationnalisme ou, à l’inverse, dans un faux sentiment de sécurité.
Un des sujets les plus discutés est la « sensibilité climatique à l’équilibre » (ECS). C’est une mesure qui estime de combien de degrés la planète se réchaufferait à long terme si on doublait la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Pendant des années, la fourchette était large (entre +1,5°C et +4,5°C). Le nouveau rapport a réussi à la resserrer considérablement : la fourchette « probable » est désormais de 2,5°C à 4°C. C’est une double nouvelle : la mauvaise, c’est que l’on dit adieu aux scénarios les plus optimistes d’une faible sensibilité du climat. La bonne, c’est que les scénarios catastrophes d’un emballement à +5°C ou +6°C deviennent aussi beaucoup moins probables. Cela réduit l’incertitude et nous donne une vision plus claire de notre avenir.
Démystifier les idées reçues sur le rapport
Certaines affirmations ont circulé après la publication du rapport. Il est important de les rectifier pour baser nos actions sur des informations correctes. Voici quelques points de clarification essentiels pour ne pas se tromper de combat.
- ❌ Mythe : On va atteindre +1,5°C avec 10 ans d’avance ! En réalité, c’est une question de méthodologie de comparaison. En comparant les mêmes bases de calcul, les estimations du nouveau rapport sont remarquablement cohérentes avec celles du rapport spécial de 2018. Le franchissement est toujours estimé au cours des années 2030. Pas de surprise majeure, juste une confirmation.
- ❌ Mythe : Il y a une inertie climatique de 20 à 40 ans, donc nos efforts sont vains. C’est faux. Le rapport confirme que si nous arrêtions nos émissions nettes à zéro demain, le réchauffement s’arrêterait très probablement. L’inertie n’est pas tant dans le système climatique physique que dans nos systèmes politiques, économiques et sociaux. C’est une nouvelle encourageante : nos actions d’aujourd’hui ont un impact quasi immédiat sur la trajectoire future des températures.
- ✅ Réalité : Le scénario le plus optimiste repose sur des « émissions négatives ». Le scénario SSP1-1.9, qui nous maintient sous 1,5°C à la fin du siècle, suppose que nous serons capables de retirer massivement du CO2 de l’atmosphère dans la seconde moitié du siècle. Or, les technologies pour y parvenir à grande échelle n’existent pas encore ou ne sont pas prouvées. C’est un pari risqué sur l’avenir.
| Concept technique 🔬 | Ancienne vision (approximative) | Nouvelle vision du rapport AR6 |
|---|---|---|
| Sensibilité climatique (ECS) | Fourchette large (1,5°C à 4,5°C) | Fourchette resserrée (2,5°C à 4°C), moins d’incertitude. |
| Inertie climatique | « Le réchauffement est engagé pour 30 ans quoi qu’on fasse » | L’arrêt du réchauffement est quasi-immédiat après l’arrêt des émissions nettes. |
| Franchissement de +1,5°C | Date incertaine | Confirmation pour la période 2021-2040 dans la plupart des scénarios. |

