Alors que les débats sur la justice fiscale s’intensifient, une proposition audacieuse refait surface et gagne du terrain : taxer les milliardaires à hauteur de 2% de leur patrimoine. L’idée, portée notamment par l’Observatoire européen de la fiscalité (EU Tax Observatory) et son directeur Gabriel Zucman, pourrait, rien qu’en France, débloquer la coquette somme de 20 milliards d’euros chaque année. Imagine un peu ce que l’on pourrait financer avec ça ! Cette question cruciale, déjà sur la table du G20 sous l’impulsion du Brésil, a même été examinée par le Sénat français. L’objectif ? Corriger une inégalité flagrante : les plus riches paient proportionnellement moins d’impôts que la majorité des citoyens. Quentin Parrinello, directeur des politiques publiques à l’EU Tax Observatory, nous éclaire sur les dessous de cette fortune et les enjeux d’une telle imposition. Car oui, il est temps de se demander si notre système actuel de fiscalité est vraiment équitable et comment nous pouvons mobiliser la richesse là où elle se trouve pour financer notre avenir commun, notamment la transition écologique et nos services publics.

Taxation des milliardaires : pourquoi c’est devenu un sujet incontournable

Tu te demandes peut-être pourquoi on parle autant de taxer les milliardaires ? La réponse tient en quelques chiffres qui donnent le vertige. Dans le monde, on compte environ 3 000 milliardaires, mais comme le souligne Quentin Parrinello, ce chiffre est probablement sous-estimé. Une partie de leur fortune est souvent bien cachée, et une autre est difficile à tracer à cause de montages financiers complexes. Pense à des noms comme Elon Musk, Bernard Arnault ou Jeff Bezos : leur richesse est colossale, mais même là, on pourrait sous-estimer l’ampleur.

Contrairement à l’image d’Épinal du coffre-fort rempli de pièces d’or à la Picsou, la fortune de ces géants est principalement financière. Elle est constituée d’actions dans leurs entreprises. Par exemple, la fortune de Bernard Arnault est directement liée aux parts qu’il détient dans LVMH. Et cette fortune a explosé ces dernières années, notamment pendant la crise du Covid, non pas à cause d’une hausse des ventes de produits de luxe, mais à cause d’une envolée de la valorisation de leurs actions, souvent soutenue par des interventions publiques pour rassurer les marchés. Pratique, non ?

Sur les quarante dernières années, le patrimoine des milliardaires a grimpé de 7 à 8 % par an, une fois l’inflation déduite. Pendant ce temps, le revenue des ménages moyens à travers le monde n’a progressé que de 1 à 2 %. Un écart qui se creuse dangereusement.

  • Causes de l’augmentation de leur fortune :
    • Capacité à réinvestir dans des produits spéculatifs à haut rendement.
    • Contrôle sur les entreprises, leur permettant d’influencer les dividendes et les rachats d’actions, ce qui booste la valeur de leurs propres actions.
    • Baisse de la fiscalité sur le capital depuis 40 ans.
  • Capacité à réinvestir dans des produits spéculatifs à haut rendement.
  • Contrôle sur les entreprises, leur permettant d’influencer les dividendes et les rachats d’actions, ce qui booste la valeur de leurs propres actions.
  • Baisse de la fiscalité sur le capital depuis 40 ans.

Le plus choquant, c’est peut-être leur taux d’effort fiscal. En France, la plupart des gens consacrent environ 50 % de leurs revenus aux contributions fiscales et sociales. Pour les ultra-riches, ce taux tombe à environ 26-27 %. Oui, tu as bien lu : ils paient presque deux fois moins d’impôts, proportionnellement, alors que leur patrimoine explose. Ce n’est pas une question d’opinion, c’est un fait chiffré.

Le poids économique et les inégalités générées par cette concentration de richesse

Les 3 000 milliardaires pèsent ensemble environ 13 000 à 14 000 milliards de dollars. Pour te donner une idée, c’est à peu près quatre fois le PIB de la France, concentré entre les mains de seulement 3 000 familles ! Cette concentration extrême de richesse n’est pas seulement une question d’inégalité, c’est un véritable enjeu démocratique et écologique.

Quentin Parrinello le dit très clairement : « Plus on a une forte concentration des richesses, plus le risque de capture politique est fort. » Ces personnes richissimes peuvent se permettre de vivre en marge de la société, n’ayant plus besoin des services publics comme les écoles ou les hôpitaux, car elles ont leurs propres alternatives. L’État peut même devenir dépendant d’eux pour certains investissements, ce qui tord le bras à la démocratie où, en théorie, c’est la volonté populaire qui devrait primer.

Voici un petit tableau pour visualiser l’écart d’imposition :

Catégorie de contribuablesTaux d’effort fiscal moyen (France)Évolution du patrimoine/revenu (tendanciel)
Milliardaires26-27%+7 à 8% par an (patrimoine, net d’inflation)
Majorité de la populationEnviron 50%+1 à 2% par an (revenu moyen, net d’inflation)

Cette situation crée un manque à gagner colossal pour le budget public, à un moment où les besoins en investissement public pour la santé, l’éducation, et surtout la transition écologique, sont immenses. D’ailleurs, l’impact écologique de cette concentration de richesse est double : les plus riches consomment énormément et investissent souvent dans des secteurs très carbonés. Une étude de Lucas Chancel a montré que plus on peut investir, plus l’empreinte carbone est élevée.

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On peut se demander comment ils arrivent à payer si peu d’impôts sur le revenue. C’est souvent parce qu’ils structurent leur patrimoine pour ne pas avoir de revenus taxables. Par exemple, en plaçant leurs revenus dans des holdings familiales, des trusts, ou en laissant l’argent dans l’entreprise et en empruntant pour leurs dépenses personnelles. Malin, mais est-ce juste ?

La taxe Zucman : une solution pour une fiscalité plus juste ?

Face à ce constat, que faire ? Une des réponses politiques qui prend de l’ampleur est la proposition d’un impôt plancher sur les milliardaires, notamment portée par l’économiste Gabriel Zucman et l’EU Tax Observatory. Il ne s’agit pas de ressortir l’ancien ISF français, qui, selon Quentin Parrinello, fonctionnait mal pour les milliardaires à cause de nombreuses exonérations. La nouvelle approche est différente sur plusieurs points clés :

  • Ciblage précis : Elle vise un nombre limité de contribuables, ceux qui paient actuellement beaucoup moins d’impôts que les autres.
  • Seuil d’entrée élevé : Pour concentrer l’effort sur les plus grandes fortunes.
  • Pas d’exonérations : C’est un point crucial pour assurer son efficacité.

L’idée est simple : un impôt de 2 % sur la fortune des milliardaires. À l’échelle mondiale, cela pourrait rapporter environ 250 milliards d’euros. Si on élargit cette taxe à ceux qui possèdent plus de 100 millions d’euros de patrimoine, on pourrait atteindre près de 600 milliards d’euros de recettes. Et pour la France ? Appliquée aux « centimillionnaires » (ceux possédant plus de 100 millions d’euros, soit environ 1 800 foyers fiscaux), cette imposition générerait environ 20 milliards d’euros par an. Une somme qui permettrait au gouvernement de faire face à de nombreux défis.

Ces 20 milliards, c’est loin d’être une goutte d’eau. C’est presque la moitié de ce que certains plans d’austérité cherchent à économiser, souvent au détriment des services publics ou des aides sociales. Et cette idée d’une taxation accrue des plus riches est extrêmement populaire : les sondages montrent des taux d’approbation de 60, 70, voire 80 % dans de nombreux pays. La notion de solidarité fiscale semble faire son chemin.

Que pourrait-on financer avec cette manne financière ?

La question de l’utilisation de ces 20 milliards d’euros est évidemment centrale. Ce n’est pas aux experts de décider, mais aux élus, expression de la volonté populaire. Mais les pistes ne manquent pas, et elles touchent à des enjeux cruciaux pour notre avenir :

  1. Accélérer la transition écologique juste : Financer la rénovation énergétique des bâtiments, développer les énergies renouvelables, investir dans les transports propres. Tu peux consulter notre article sur les besoins de financement de la transition écologique pour en savoir plus.
  2. Renforcer notre modèle social : Investir massivement dans l’hôpital public, l’éducation, la recherche, et soutenir les plus fragiles.
  3. Travailler sur l’autonomie stratégique : Relocaliser certaines productions essentielles, investir dans des secteurs d’avenir.
  4. Baisser les impôts pour les autres : Alléger la charge fiscale qui pèse sur les classes moyennes et populaires.

Voici un tableau illustrant le potentiel de cette taxe :

Niveau d’applicationSeuil de patrimoineNombre de foyers concernés (approx.)Recettes annuelles estimées
MondeMilliardaires3 000250 milliards €
Monde> 100 millions €Non spécifié (plusieurs dizaines de milliers)~600 milliards €
France> 100 millions €1 80020 milliards €

L’argument de l’exil fiscal est souvent brandi. Mais si un accord international est trouvé, la question ne se pose plus. Et même sans cela, les études montrent que l’exil fiscal des plus fortunés en cas d’augmentation de l’imposition sur leur fortune est marginal. De plus, avec l’échange automatique d’informations bancaires, l’administration fiscale a désormais les moyens de suivre les actifs détenus à l’étranger.

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Quant à l’accusation d’attiser la « haine des riches », Quentin Parrinello répond qu’il s’agit avant tout d’une question de justice et de cohésion sociale. Une société où une minorité fait sécession est une société qui génère plus d’inégalités, de violence et de polarisation. Ce n’est bénéfique pour personne. La fiscalité, comme il le rappelle, est éminemment politique.

Vers une mise en place de la taxe sur les milliardaires : quels sont les freins et les espoirs ?

Alors, cette fameuse taxe sur les milliardaires, on la verra un jour ? C’est une mesure qui, bien qu’extrêmement populaire, peine à se traduire en loi, que ce soit en France ou ailleurs. Pourtant, les choses bougent. Les travaux menés dans le cadre du G20, sous l’impulsion du Brésil en 2024, ont créé un effet « boule de neige ». Le sujet est désormais discuté à l’ONU, à l’OCDE, à la Commission européenne et même dans des plateformes régionales comme en Amérique Latine.

Les accords internationaux de coopération fiscale prennent du temps, souvent entre 5 et 15 ans. Mais il y a des signes encourageants. En France, par exemple, le gouvernement qui avait supprimé l’ISF en 2017 a soutenu l’idée d’une taxe sur les milliardaires au G20. Un changement de position notable ! Des discussions ont lieu au niveau budgétaire français sur des mesures ciblant les hauts revenus, même si elles diffèrent de la proposition de l’EU Tax Observatory.

Pourra-t-on inverser la tendance de ces quarante dernières années, qui a vu la richesse des milliardaires exploser ? Une taxe de 2 % est un premier pas important, mais pour véritablement réduire ces fortunes colossales, il faudra sans doute aller plus loin. Ce qui est certain, c’est que la « course au moins-disant fiscal » – cette compétition entre États pour baisser les impôts des plus riches et des multinationales – a des conséquences directes : soit on coupe dans les services publics, soit on augmente les impôts du reste de la population.

Quentin Parrinello souligne un point essentiel : « Le temps où l’on pouvait baisser les impôts des plus riches et des multinationales et le répercuter en augmentant les impôts sur les classes moyennes et les classes populaires est passé. » On l’a vu avec de nombreux mouvements sociaux ces dernières années, des Gilets jaunes en France aux manifestations au Chili ou au Liban, souvent déclenchés par des réformes fiscales jugées injustes.

  • Facteurs d’espoir :
    • Popularité écrasante de la mesure dans l’opinion publique.
    • Soutien de pays clés au G20 (Brésil, France, Espagne, Afrique du Sud…).
    • Discussions actives dans les instances internationales (ONU, OCDE, UE).
    • Prise de conscience croissante que la fiscalité est un levier politique majeur.
  • Popularité écrasante de la mesure dans l’opinion publique.
  • Soutien de pays clés au G20 (Brésil, France, Espagne, Afrique du Sud…).
  • Discussions actives dans les instances internationales (ONU, OCDE, UE).
  • Prise de conscience croissante que la fiscalité est un levier politique majeur.
  • Défis à relever :
    • Résistance des lobbies et des intérêts financiers.
    • Nécessité d’une coordination internationale pour éviter l’évasion fiscale (même si son impact est souvent surestimé).
    • Complexité technique de la mise en œuvre d’un tel impôt mondial.
  • Résistance des lobbies et des intérêts financiers.
  • Nécessité d’une coordination internationale pour éviter l’évasion fiscale (même si son impact est souvent surestimé).
  • Complexité technique de la mise en œuvre d’un tel impôt mondial.

Le tableau ci-dessous résume les arguments pour et les objections courantes :

Arguments POUR la taxe sur les milliardairesObjections courantes ET réponses
Génération de revenus substantiels pour le budget public (20 Mds € en France).Risque d’exil fiscal : Marginal si accord international. L’échange automatique d’informations limite déjà l’évasion. Moins de 2% de contribuables en moins à long terme pour 1 point d’imposition en plus.
Correction d’une inégalité fiscale (les plus riches paient proportionnellement moins).« Haine des riches » / Punition du succès : Question de justice, de solidarité et de cohésion sociale. Il s’agit de faire contribuer chacun à sa juste mesure.
Financement d’investissements cruciaux (transition écologique, services publics).Baisse des cours de bourse / impact sur l’investissement : Les entreprises comme LVMH versent déjà des milliards en dividendes sans effondrement. L’impôt peut être structuré pour ne pas nuire à l’investissement productif.
Réduction de la concentration extrême de richesse et du risque de capture politique.Complexité de mise en œuvre : Des solutions techniques existent (cf. rapport Zucman). La volonté politique est la clé.

La résistance face aux coupes dans les services publics, comme l’hôpital, est bien plus forte aujourd’hui qu’il y a 10 ou 15 ans. Cela montre une compréhension grandissante d’un fait fondamental : la fiscalité est un choix politique, avec des conséquences directes sur nos vies et notre avenir commun. Le débat sur la taxation des milliardaires ne fait que commencer, et il est essentiel que chacun puisse s’en emparer.

Sources

  • Entretiens et rapports de l’Observatoire européen de la fiscalité (EU Tax Observatory), notamment les travaux de Gabriel Zucman et Quentin Parrinello.
  • Discussions et propositions dans le cadre du G20, présidence brésilienne 2024.
  • Étude de Lucas Chancel et coauteurs sur l’empreinte carbone des plus riches (École d’économie de Paris).
  • Débats parlementaires et propositions de loi en France et dans d’autres pays.
  • Sondages d’opinion sur la fiscalité des plus riches (ex: Ipsos pour le G20).